Andres Serrano, Corporeal Politics: Power, Desire and the Sacred

09:00 - 18:00
Arendt & Art

Andres Serrano – Corporeal Politics: Power, Desire, and the Sacred
Commissaires : Claire & Paul Di Felice


Depuis les années 1980, Andres Serrano a construit une œuvre photographique provocante et saisissante, oscillant entre le sacré et l’indicible. Cette exposition réunit des moments emblématiques issus des séries ImmersionsThe MorgueObjects of DesireAmerica et Holy Works, où se mêlent spiritualité, corporalité, beauté et réalités sociales.

Né en 1950 à New York dans une famille catholique hispanophone, Andres Serrano a développé une pratique profondément ancrée dans l’iconographie religieuse et la tradition picturale occidentale, en particulier le baroque. Mais loin de se contenter d’en reproduire les codes visuels, il les transpose dans le présent : crucifix immergés dans des fluides corporels, cadavres anonymes éclairés avec la solennité des peintures des maîtres anciens, tableaux explicites de sexualité, portraits de l’Amérique dans toutes ses contradictions, et réinterprétations contemporaines de figures bibliques.
À travers ces séries, Serrano revient sans cesse sur les mêmes tensions : entre le sacré et le profane, la pureté et l’impureté, la beauté et l’abjection.

Comme l’a souligné Susan Sontag dans Devant la douleur des autres, les photographies de mort et de violence placent le spectateur face à la frontière même du visible, mettant à l’épreuve les limites de ce que l’on peut endurer — et de ce que la société juge admissible de regarder. De telles images oscillent inévitablement entre voyeurisme et empathie, entre le spectacle de la souffrance et l’obligation morale d’en reconnaître la réalité. Les photographies de Serrano, à travers ses différentes séries, incarnent cette oscillation.
Il rejette la neutralité objective de la photographie documentaire en reconfigurant le corps à travers une attention picturale portée au cadrage, à l’intensité chromatique et à la modulation de la lumière, le transposant ainsi dans le domaine esthétique et affectif de l’histoire de l’art.

Ses portraits évoquent par ailleurs la notion foucaldienne du corps comme lieu d’inscription du pouvoir et de l’idéologie. Pour Michel Foucault, les sociétés modernes disciplinent et régulent les corps, les transformant en porteurs visibles de statut, d’exclusion ou de privilège. En plaçant politiciens, célébrités, travailleurs, sans-abri et membres du Ku Klux Klan dans un même cadre esthétique, Serrano égalise leur représentation tout en révélant les marques du pouvoir qui les distinguent. Le résultat est une méditation — et une confrontation — sur la visibilité, la hiérarchie et les contradictions de l’identité américaine.

Refusant toute hiérarchie, Serrano brouille les frontières pour exposer ce que la société préfère cacher : la présence de la mort dans la vie, du divin dans le charnel, du désir dans l’interdit. Ses images, cadrées de près, chromatiquement intenses et méticuleusement composées, rappellent la toile du peintre, affirmant la photographie comme artifice autant que comme révélation.

Au cœur de cette œuvre réside une ambiguïté fondamentale : le corps à la fois comme réceptacle de transcendance et lieu du scandale ; l’Amérique, à la fois puritaine et violente, dévote et consumériste ; la photographie, à la fois vérité documentaire et allégorie métaphysique. En exposant peurs, tabous et désirs, Serrano engage le spectateur dans une expérience à la fois troublante et profondément réflexive.

Ses œuvres figurent dans de grandes collections publiques et privées, notamment au Museum of Modern Art, au Whitney Museum of American Art, au New Museum of Contemporary Art à New York, au Rijksmuseum, dans la collection Pinault et à la Maison Européenne de la Photographie à Paris.
Andres Serrano est représenté par la Galerie Nathalie Obadia (Paris/Bruxelles).

Adresse : Arendt & Medernach

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Exhibition visual – Andres Serrano, Corporeal Politics: Power Desire and the Sacred